Tuesday, August 14, 2012

Les Mexicains victimes d'armes américaines

Derrière leurs consommateurs de drogue, il y a nos morts", a déclaré le poète mexicain, Javier Sicilia, dimanche 12 août, au pied du mur qui sépare la ville américaine de San Diego de celle, mexicaine, de Tijuana, avant de donner le départ de la "caravane pour la paix" qui traversera durant un mois les Etats-Unis, d'ouest en est, pour dénoncer l'échec de la lutte binationale contre le narcotrafic.
Une centaine de militants, dont cinquante-quatre proches de victimes de la violence des cartels de la drogue au Mexique, ont traversé la frontière entre les deux pays pour entamer un périple en bus de 9 400 km.
Objectif : exiger du gouvernement américain le "contrôle de la consommation de drogue et des ventes d'armes", jugées coresponsables des plus de 60 000 morts et 20 000 disparus au Mexique depuis six ans. Cette initiative inédite intervient dans un contexte politique délicat avec l'élection présidentielle américaine en novembre.
La caravane visitera vingt-cinq villes, jusqu'à Washington, le 12 septembre. A chaque halte, des rencontres seront organisées avec des représentants de cent associations américaines, réunis par les organismes Drug Policy Alliance et Global Exchange, qui militent pour la dépénalisation de la marijuana et la défense des droits de l'homme.
"Nous venons aux Etats-Unis, premier consommateur mondial de drogue, pour sensibiliser la population sur la violence au Mexique", a expliqué Javier Sicilia, dont le fils de 24 ans a été assassiné en mars 2011 par les tueurs d'un cartel. La même année, le gouvernement américain a consacré plus de 10 milliards de dollars à des programmes de prévention contre la drogue, sans baisser le nombre de consommateurs (23 millions).

"FAST AND FURIOUS"
Symbole national au Mexique, M. Sicilia a créé en mai 2011 le Mouvement pour la paix avec justice et dignité (MPJD), qui réclame la fin de la guerre contre les cartels, commencée en 2006 par le président Felipe Calderon. Le poète interpelle aujourd'hui les autorités américaines pour "mettre un terme à aide logistique à l'armée mexicaine, qui attise la violence". Le MPJD fustige aussi le trafic d'armes.
Sur les 142 000 saisies au Mexique depuis six ans, 80 % proviennent des Etats-Unis, où elles sont en vente libre. Autres revendications : "Le combat contre le blanchiment d'argent et une gestion plus humaine de l'émigration clandestine."
Quel impact aura cette caravane, alors que Barack Obama est candidat à un nouveau mandat ? Washington s'est retiré, en juillet à l'ONU, des négociations sur un traité réglementant le commerce des armes. "La campagne électorale limite la disposition initiale du président Obama à affronter les réactions des opposants à ce traité", écrit dans l'hebdomadaire Proceso Olga Pellicer, diplomate mexicaine.
Aux Etats-Unis, l'influente National Rifle Association refuse toute régulation de la possession d'armes. M. Obama est aussi fragilisé par le fiasco de l'opération Fast and Furious. En 2009, les autorités américaines avaient laissé passer illégalement au Mexique plus de 2 000 armes qu'elles pensaient pouvoir tracer afin de piéger les chefs d'un cartel.
"Il serait naïf de penser qu'une caravane va corriger les injustices", a reconnu Sergio Aguayo, intellectuel mexicain qui fait partie du convoi. Au Mexique, Felipe Calderon, qui quittera ses fonctions en décembre, refuse la démilitarisation du conflit et la ratification de la loi d'assistance aux victimes, réclamées par le MPJD. Quant au nouveau président, Enrique Peña Nieto, élu en juillet, il veut maintenir l'armée dans les rues.
Pour l'heure, aucun entretien n'est prévu avec le président américain. Selon Javier Sicilia, "la priorité n'est pas de le rencontrer, mais de construire la paix" des deux côtés de la frontière.

Source : http://www.lemonde.fr

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