Le contraste entre le dénouement du scrutin présidentiel français,
dimanche 6 mai, ouvrant la voie à une alternance ordonnée et incontestée
à la tête de l'Etat, et le chaos créé par le résultat des élections
législatives en Grèce, où, trois jours plus tard, aucune perspective de gouvernement ne se dessine encore, ne doit pas faire
oublier la tendance commune révélée par ces deux scrutins : la montée
de mouvements minoritaires, mais de plus en plus vocaux, contestant
l'ordre établi par les partis traditionnels. Cette tendance est de plus
en plus sensible à travers l'Europe.
En France, 18 % des électeurs ont choisi d'exprimer, au premier tour de l'élection présidentielle, leur rejet de l'Europe et de l'immigration en votant pour Marine Le Pen. En Grèce, le 6 mai, 7 % des électeurs ont envoyé au Parlement 21 députés du parti néonazi Aube dorée, dont le programme prévoit de miner la frontière avec la Turquie pour bloquer l'immigration. En Italie, les "antipolitiques" du mouvement "5 étoiles" du comique Beppe Grillo ont réalisé une percée aux élections municipales, en dénonçant la corruption et l'austérité.
Dans un autre genre, le Parti pirate, militant du téléchargement
gratuit sur Internet, a fait une irruption spectaculaire dans la politique allemande et parvient à inquiéter les grands partis à la veille d'une importante élection partielle, le 13 mai.
Ces mouvements ont peu de chose en commun. Il est difficile, par exemple, de rapprocher la vague des jeunes indignados espagnols, née il y a un an à Madrid, des mouvements xénophobes et anti-islam que l'on voit monter depuis des années dans le nord de l'Europe ou en Autriche.
Pourtant, qu'ils soient d'extrême droite, d'une gauche radicale qui
conteste l'orientation actuelle de la politique européenne ou totalement
à la marge du système, ces mouvements bousculent les formations
traditionnelles, et en particulier les grands courants politiques qui
ont pris en charge le projet européen depuis des décennies. Ils les
bousculent d'autant plus que la crise économique et la question de la
dette ont créé une problématique commune à l'ensemble du paysage
politique européen.
L'Europe politique existe, et chaque élection nationale résonne beaucoup plus que par le passé dans les autres pays de l'UE.
La tentation est grande, pour les partis traditionnels, de réagir en
incorporant certains des thèmes des contestataires. L'inflexion donnée
par Nicolas Sarkozy à sa campagne présidentielle sous la pression de l'ascension du Front national, par exemple sur la question des frontières, a parfaitement illustré les risques de cette dynamique.
De toute évidence, ce n'était pas la bonne stratégie. Le défi, pourtant, reste à relever
: aucune institution, aucun mouvement à l'échelle européenne ne paraît
en mesure aujourd'hui de répondre aux questions posées par ce front du
refus. C'est un chantier auquel doivent s'atteler d'urgence les grands partis, sous peine de se voir déborder.
Source : http://www.lemonde.fr
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