Thursday, September 20, 2012

Dix ans d'erreurs américaines à réparer


Alors que le pays s'embrase, il devient certain que la colère n'est pas simplement liée à une vidéo diffusée en ligne, estime ce journal pakistanais. Les violences actuelles sont le résultats de l'islamophobie et des faux-pas de Washington depuis une décennie.

Tandis que le Moyen-Orient et le monde musulman s'embrasaient le week-end dernier à cause d'un mauvais film se moquant du prophète Mahomet, le Pakistan se préparait au pire. Samedi soir [le 15 septembre] pourtant, les autorités poussaient un soupir de soulagement alors qu'une foule de manifestants, à la colère légitime, exprimaient leur indignation à travers des bannières et des discours enflammés. La plupart de ces rassemblements sont toutefois demeurés pacifiques, causant un minimum de dommages et ne faisant aucune victime. Il semblait que la majorité avait su garder la tête froide, écrivions-nous alors. C'était aller un peu vite en besogne. Dimanche soir [le 16 septembre], on déplorait déjà un mort et des dizaines de blessés après que des manifestants eurent pris d'assaut le consulat américain de Karachi et affronté les forces policières et paramilitaires pendant plusieurs heures. Diverses sources indiquent que des milliers de manifestants ont jeté des pierres sur l'entrée du consulat américain, ce à quoi la police a répliqué en tirant des coups de feu en l'air et en lançant des gaz lacrymogènes. Lundi 17 septembre, on apprenait qu'une personne avait été tuée et deux autres blessées par les forces de police lors de manifestations contre le film dans la province de Khyber Pakhtunkhawa [l’ancienne Province-de-la-Frontière-du-Nord-Ouest]. Karachi et plusieurs autres villes se préparent à présent à de nouveaux troubles.

Plus de chances d'être entendus en manifestant dans la calme

Alors que le pays retient à présent son souffle, trois éléments méritent d'être soulignés. Premièrement, les forces de police à Karachi, et dans le reste du pays, doivent absolument repenser leurs méthodes de contrôle des foules et améliorer leurs techniques de dispersion. Deuxièmement, il serait peut-être opportun pour le gouvernement d'en appeler aux chefs religieux de tout le pays et de les convaincre que, si les manifestations sont un droit démocratique et qu'en l'occurrence la cause de la colère est plus que légitime, il serait peut-être utile de revoir leur façon d'exprimer leur mécontentement... Les manifestants ont nettement plus de chances de parvenir à leur but en organisant des rassemblements dignes et imposants plutôt qu'en semant le chaos et en menaçant des vies humaines.

Enfin troisièmement, il est crucial pour les Etats-Unis de comprendre que l'indignation du Pakistan et du monde musulman n'est pas liée à une simple vidéo mais qu'elle est l'expression d'une colère accumulée par des dizaines d'années de dénigrement à l'encontre des musulmans et de leur religion de la part des Etats-Unis et de leurs soldats. Les images des exactions perpétrées dans la prison d'Abu Ghraïb sont gravées dans la mémoire des musulmans du monde entier. Les outrages au Coran commis par des soldats en Afghanistan et un pasteur de Floride ne sont pas prêts d'être oubliés. Le nombre croissant de victimes civiles, dommages collatéraux des attaques de drones menées au Pakistan, au Yémen et ailleurs, a fermement ancré l'idée dans l'esprit des musulmans que leur identité, leurs valeurs et leurs symboles les plus sacrés sont constamment menacés.

Voilà en substance, l'impression que les Etats-Unis doivent combattre. Dimanche, après l'attaque contre leur consulat à Karachi, les Etats-Unis ont tenté de se distancier du film polémique en déclarant qu'ils n'avaient "absolument rien à voir avec cette vidéo". Sur Twitter, un message de l'ambassade américaine indiquait: "Nous rejetons le contenu et le message de ce film". Alors qu'ils dépensent ostensiblement des millions de dollars au Pakistan et dans d'autres pays musulmans, les Etats-Unis pourraient peut-être utiliser une partie de ces fonds pour améliorer leurs relations avec les opinions publiques de ces pays et neutraliser leur mécontentement envers Washington. La colère née de dix ans de guerre contre le terrorisme ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Les musulmans du monde entier demandent respect et dignité, précisément ce que la plupart d'entre eux ont l'impression de se voir refuser par les Etats-Unis. Voilà le vrai défi de Washington aujourd'hui.

Source : http://www.courrierinternational.com


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