Tuesday, August 21, 2012

Assange peut-il s'échapper de son ambassade assiégée ?

Julian Assange se tient reclus depuis deux mois dans l'ambassade d'Equateur à Londres. Protégé par l'asile diplomatique depuis le 16 août, le cofondateur de WikiLeaks, qui doit répondre d'accusations de viol et d'agression sexuelle en Suède, ne peut sortir du bâtiment sans risquer d'être arrêté par la police britannique, puis extradé.

L'ancien juge espagnol Baltasar Garzon, qui coordonne sa défense, cherche à obtenir du Royaume-Uni un sauf-conduit pour le faire sortir du pays, et envisage de saisir la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye. Le ministère des affaires étrangères britannique, de son côté, maintient qu'il doit appliquer la décision de la Cour suprême autorisant l'extradition de M. Assange et donc l'arrêter dès qu'il aura posé le pied dehors. Pour l'heure l'impasse semble totale. Mais les sièges similaires ne manquent pas dans l'histoire diplomatique, qui permettent d'évaluer les chances de sortie d'Assange.
  • Un raid de la police ?
En avril 1984, des tirs à l'arme automatique provenant de l'ambassade libyenne tuaient une policière de Scotland Yard et blessaient dix personnes parmi une foule de manifestants anti-Kadhafi. Un siège de onze jours s'ensuivit, qui aboutira, trois ans plus tard, à l'adoption par le Royaume-Uni du Diplomatic and Consular Premises Act. Celui-ci permet au secrétaire du Foreign office de lever, "dans des circonstances particulières", l'inviolabilité des ambassades protégée par la convention de Vienne de 1961.
Le Royaume-Uni n'a utilisé cette législation qu'une seule fois, pour déloger des squatteurs de l'ambassade du Cambodge. Mercredi, l'Equateur a déclaré avoir été informé par les autorités britanniques que ce levier pourrait être utilisé afin d'autoriser des policiers à saisir Julian Assange dans l'ambassade. Londres a affirmé par la suite n'avoir aucune intention d'en faire usage.
Ainsi, Le Royaume-Uni évite de remettre en cause l'inviolabilité de ses propres ambassades à l'étranger. Comme l'expliquait au Monde, la semaine dernière, Sir Tony Brenton, ex-ambassadeur britannique à Moscou, "si les gouvernements peuvent révoquer de manière arbitraire l'immunité diplomatique et pénétrer dans une ambassade, nos diplomates ne pourront plus exercer leur mission".
  • Immunité diplomatique
Certains des partisans d'Assange souhaitent que le citoyen australien se voie accorder la nationalité équatorienne et qu'il soit embauché par l'ambassade, ce qui lui garantirait l'immunité diplomatique. Mais ce statut doit être reconnu par le pays hôte, ce que la Grande-Bretagne a peu de chances de faire. De plus, la BBC rappelle que la police de Londres a arrêté de nombreux diplomates au fil des ans, notamment dans des cas de conduite en état d'ivresse.
Le juriste britannique Carl Gardner a suggéré une autre solution, bien improbable : l'Equateur pourrait faire d'Assange son représentant aux Nations unies, ce qui le protégerait d'une arrestation lors de ses déplacements vers des sommets de l'ONU à travers le monde. Assange pourrait bien être démis de ses fonctions par l'Assemblée générale de l'organisation, mais cela prendrait quelque temps et le fugitif serait protégé jusque-là.
  • Voiture diplomatique
Assange pourrait également quitter les lieux à bord d'une voiture de l'ambassade, lesquelles sont protégées au même titres que les bâtiments par la convention de Vienne, dont l'article 22-3 stipule que "les moyens de transport de la mission [diplomatique], ne peuvent faire l'objet d'aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d'exécution".
Les policiers anglais auraient donc le droit d'arrêter la voiture, mais pas celui de la fouiller pour y trouver Assange. Cependant, Scotland Yard a positionné ses hommes jusqu'à l'intérieur du bâtiment où se situe l'ambassade (qui n'en occupe pas la totalité). Depuis le hall, l'escalier et les sorties des ascenseurs, ces hommes barrent les voies qui permettraient à Assange d'atteindre une voiture, et le maintiennent reclus à l'étage. De plus, même s'il arrivait jusqu'à un aéroport, Assange risquerait l'arrestation dès sa sortie de voiture, avant d'avoir pu embarquer dans un avion.
  • Valise ou conteneur diplomatique
Rien en droit n'interdit de faire une valise diplomatique d'un conteneur, qui serait suffisamment spacieux pour qu'Assange y voyage. Cette valise élargie, qui selon la convention de Vienne "ne doit être ni ouverte ni retenue", pourrait lui permettre d'embarquer pour l'Equateur en évitant la douane.
En 1984, des kidnappeurs avaient ainsi tenté de rapatrier un ancien ministre nigérian, Umaru Dikko, accusé de corruption dans son pays et que le Royaume-Uni refusait d'extrader. L'homme avait été enlevé devant chez lui, drogué, fourré dans un conteneur et expédié vers l'aéroport de Stansted.
Mais les hommes de main avaient oublié l'article 27-4 de la convention de Vienne, selon lequel une valise diplomatique doit être visiblement estampillée comme telle. Les douanes britanniques avaient pu ouvrir ce conteneur sans étiquette et récupérer Dikko en bonne santé.
Vingt ans plus tôt, en 1964, Mordechai Louk, un citoyen israélien d'origine marocaine, espion à Rome pour le compte de l'Egypte, avait été enlevé à une terrasse de café, drogué et placé dans un coffre marqué du sceau diplomatique égyptien. Il avait été libéré après qu'un garde d'aéroport l'eut entendu grogner dans sa prison mobile. Selon le Times de Londres, qui citait la police romaine, le coffre semblait avoir déjà été utilisé à plusieurs reprises pour de tels transferts.
Les douanes romaines s'appuyaient sur la fin de l'article 27-4, selon lequel "les colis constituant la valise diplomatique (...) ne peuvent contenir que des documents diplomatiques ou des objets à usage officiel". Ainsi, dans le cas d'Assange, il est peu probable que les douaniers britanniques, voyant arriver une valise de belle taille, ne demandent pas à l'ouvrir.
  • Sortie discrète
Reste la possibilité d'une échappée furtive : Assange, déguisé, pourrait tenter de passer par les toits, pourquoi pas vers le champ d'atterrissage d'hélicoptère visible à une cinquantaine de mètres à l'ouest de l'ambassade, sur la carte ci-dessous. Il pourrait tenter de perdre ses poursuivants dans les allées du grand magasin Harrod's voisin. Mais l'option est risquée. Scotland Yard a affirmé à la presse britannique qu'elle dépensait 65 000 euros par jour pour surveiller le pâté de maison. Cinquante hommes et deux camionnettes en gardent les sorties.
  • Combien de temps peut-il tenir ?
Un record a été établi par le cardinal hongrois Jozsef Mindszenty, qui aura passé 15 ans dans l'ambassade américaine de Budapest, après l'écrasement de l'insurrection de 1956. Il rejoindra l'Autriche en 1971.
Un autre précédent pourrait inspirer les autorités britanniques, celui de Manuel Noriega, l'ancien dictateur du Panama. En 1989, alors que les Etats-Unis envahissaient le pays pour le déposer, Noriega se réfugia à l'ambassade du Vatican. Les troupes américaines installèrent de gigantesques enceintes autour du bâtiment, diffusant de la musique à très haut volume. Noriega se rendra au bout de dix jours. Jugé aux Etats-Unis, il sera condamné notamment pour trafic de drogue.

Source : http://www.lemonde.fr

No comments:

Post a Comment