Saturday, June 16, 2012

Kenya - Que faire du plus grand camp de réfugiés au monde?

Créés dans l’urgence il y a 20 ans, les camps de réfugiés somaliens de Dadaab, au Kenya, ont gonflé jusqu’à devenir les plus importants au monde : un casse-tête humanitaire et politique pour les experts, « une prison à ciel ouvert », selon certains habitants.

Avec 465 611 réfugiés recensés fin mai, les camps de Dadaab sont devenus la troisième ville du Kenya. Mais la situation sanitaire et sociale des camps s’y dégrade, l’insécurité est devenue endémique et la patience du gouvernement kényan est à bout.

« Face à une telle réalité, il est évident que maintenir les camps tels qu’ils sont aujourd’hui pour 20 nouvelles années n’est pas envisageable. Mais quelles sont les autres solutions ? », s’interroge Médecins sans frontières (MSF), qui a organisé un colloque sur ce thème hier à Nairobi.

Dans le nord-est quasi désertique du Kenya, à 95 kilomètres de la frontière avec la Somalie, les camps de Dadaab ont été installés en 1992 pour accueillir, temporairement croyait-on, les réfugiés fuyant la guerre civile après la chute du dictateur Siad Barre. Mais les choses sont allées de mal en pis en Somalie, la conjonction des combats et des sécheresses suscitant plusieurs des pires crises humanitaires de la planète, notamment l’an dernier avec des dizaines de milliers de morts de faim et des centaines de milliers de nouveaux déplacés et réfugiés.

Depuis, une coalition militaire régionale a fait reculer les islamistes shebab en Somalie, et une bonne saison de pluies a apporté des récoltes satisfaisantes. Mais Dadaab ne désemplit pas, un casse-tête de plus en plus insoluble. « Continuer à apporter des vivres et des services au Kenya encourage davantage de gens à traverser la frontière », a estimé mardi le premier ministre kényan, Raila Odinga, devant des journalistes étrangers.

« La meilleure solution pour les réfugiés est de rentrer chez eux », a estimé hier en écho Badu Katelo, commissaire kényan aux réfugiés, pour qui les récents revers islamistes dans le sud du pays permettent d’envisager un rapatriement des réfugiés.

Un espoir chimérique, aux yeux de la plupart des responsables humanitaires, même s’ils reconnaissent que le Kenya assume aujourd’hui un fardeau disproportionné de réfugiés.

« Un retour volontaire paraît quelque peu hors de portée, la paix en Somalie n’est pas très stable et je ne nous vois pas mettre en place un programme d’incitation intensif au rapatriement », a commenté Abel Mbilinyi, représentant adjoint du Commissariat des Nations unies aux réfugiés au Kenya.

Intégration?

Ces responsables humanitaires estiment l’intégration au Kenya inéluctable pour les plus anciens des réfugiés.

« Ces gens-là n’ont plus rien en Somalie, nous en sommes à la troisième génération, ils ne savent même plus d’où ils viennent », relève Elena Velilla, chef de mission de MSF au Kenya.

À titre personnel, M. Mbilinyi plaide « pour un dialogue franc sur les possibilités d’une intégration locale » de ces réfugiés, soulignant qu’un bon nombre d’entre eux sont désormais éligibles à la citoyenneté kényane. Il cite l’exemple de la Tanzanie, qui a accordé en 2010 la citoyenneté tanzanienne à 162 000 réfugiés ayant fui le Burundi voisin 40 ans auparavant.

« Oui, 350 000 réfugiés peuvent prétendre à la citoyenneté kenyane. Vont-ils l’obtenir ? Non », a répliqué un des vice-présidents du Parlement kényan, Farah Maalim. Ce député local, lui-même pourtant d’origine somalie, juge les antagonismes entre communautés bien trop profonds pour permettre une telle régularisation en masse.

La médiatisation de la famine en Somalie a permis au HCR, qui gère Dadaab, de récolter 100 millions de dollars l’an dernier. Mais seulement 70 millions cette année.

La guerre en Somalie a débordé sur Dadaab, avec une série d’attentats, et l’enlèvement en octobre dernier de deux ressortissantes espagnoles travaillant pour MSF, depuis retenues en otage en Somalie.

« Nous avons l’impression de vivre dans une prison à ciel ouvert », s’indigne Bare Osman Abdi, vice-président des jeunes du camp de Dagahaley, évoquant l’interdiction faite aux réfugiés de travailler ou de sortir du camp sans autorisation. « Il y a des gens qui sont dans les camps depuis vingt ans et qui n’en sont jamais sortis depuis. Les jeunes sont déprimés, inquiets de voir que rien n’a changé », prévient M. Abdi, lui-même arrivé à Dadaab à l’âge de cinq ans.

Source : http://www.ledevoir.com

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