Les 5 et 6 avril 1992, des dizaines de milliers de Bosniens croyaient pouvoir obtenir la paix en manifestant pacifiquement à Sarajevo. Des espoirs vite détruits par les tirs de snipers serbes. Témoignages.
«Nous savions que quelque chose se tramait mais nous sommes descendus dans la rue pour réclamer la paix», se souvient le professeur Zdravko Grebo. Il évoque la manifestation du 5 avril 1992 à Sarajevo quand des snipers serbes tirèrent sur la foule.
Vingt ans après, il admet avoir cru pouvoir empêcher l’éclatement de la guerre de Bosnie. Celle-ci a été marquée par les pires horreurs commises en Europe depuis la Seconde guerre mondiale.
Entre 1992 et 19995, les hostilités ont opposé musulmans, Serbes et Croates et font quelque 100’000 morts et 2,2 millions de réfugiés et déplacés. Cela représente la moitié de la population locale d’avant le conflit.
50'000 manifestants dans la rue
Ce 5 avril 1992, à la veille de la reconnaissance par la Communauté européenne de l’indépendance bosnienne de l’ex- Yougoslavie, quelque 50’000 manifestants des principales communautés du pays (musulmane, serbe et croate) se retrouvent devant le Parlement à Sarajevo pour dire non à la guerre.
Professeur de droit à l’Université de Sarajevo, Zdravko Grebo se rappelle avoir reçu un coup de fil dans la rédaction d’une radio où il animait une émission. «C’était des manifestants qui me demandaient si j’avais le courage de les soutenir», dit-il.
Moments dramatiques
Milomir Kovacevic, un photographe bosnien vivant aujourd’hui à Paris, évoque le charisme du professeur Grebo. «Quand il est venu, la foule l’a acclamé. Tout le monde croyait qu’il saurait comment faire pour repousser le danger du conflit et se débarrasser du gouvernement et des partis nationalistes, qui symbolisaient les divisions».
Ses photos prises lors de la manifestation, exposées en mars dans une galerie de Sarajevo, témoignent des ces moments dramatiques. «Je veux vivre», «Nous voulons la paix», lit-on sur des pancartes. Des manifestants brandissaient des portraits de Josip Broz Tito, président yougoslave décédé en 1980, symbole à leurs yeux de «l’harmonie entre les peuples» de la fédération yougoslave.
Déclarations rassurantes
Helena Fazlic avait à l’époque 23 ans. Cette Croate venait d’épouser Samir, un Musulman. Le jeune couple sent venir la menace des divisions et se joint à la foule. «Nous avons manifesté avec la conviction que la guerre n’avait aucune chance d’éclater chez nous où la mixité était une chose tout à fait normale», raconte-t-elle.
Le président de la Bosnie, le Musulman Alija Izetbegovic, multiplie alors les déclarations rassurantes pour dire qu’il n’y aura pas de guerre. Helena et Samir lui font confiance. «Nous avons même décidé de faire un enfant. Neuf mois plus tard, j’accouchais d’un garçon en Allemagne où je m’étais réfugiée. Samir était resté coincé à Sarajevo», se souvient Helena.
Capitale assiégée
La capitale a été assiégée par les forces serbes de Bosnie tout au long du conflit de 1992-95. Cette guerre a pris fin le 21 novembre 1995 après vingt-et-un jours de négociations près de Dayton (Ohio, Etats-Unis). L’accord de paix global est paraphé pour la Bosnie par les présidents bosnien Alija Izetbegovic, croate Franjo Tudjman et serbe Slobodan Milosevic. La signature officielle se fait à Paris le 14 décembre de cette année-là.
«Je pensais que nous pouvions préserver la paix, mais j’étais naïf, car cette guerre avait déjà été préparée. Il y avait toute une logistique derrière», lâche le professeur Grebo.
Source : http://www.24heures.ch
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