Monday, February 27, 2012

«On suit les bombardements à la télévision et on pleure»

REPORTAGE - Des milliers d'habitants de la ville de Homs, en Syrie, soumise à des bombardements quotidiens, ont trouvé refuge de l'autre côté de la frontière, au Liban.

Pendant les longues années de la guerre civile au Liban, la Syrie avait souvent constitué un refuge pour les Libanais fuyant les combats. La situation est aujourd'hui inversée et c'est au tour des Syriens de se réfugier dans le pays voisin. Le calvaire de Homs, soumise depuis plus de trois semaines aux bombardements intenses des forces gouvernementales syriennes, déterminées à faire un exemple sanglant en punissant la ville rebelle, a déclenché la fuite de nombreux habitants vers le Liban.

Dans le Akkar, massif montagneux au nord de Tripoli, les villages frontaliers ont vu ces derniers mois affluer les ressortissants du pays voisin. Quelque 5600 Syriens se seraient déjà réfugiés au Liban, selon les Nations unies, mais ce chiffre pourrait être trois fois plus élevé, beaucoup ne se faisant pas enregistrer à leur arrivée. Le gouvernement libanais de Najib Mikati, millionnaire sunnite mais proche de la Syrie, soutenu par un Hezbollah inféodé à Damas, n'inspire pas la confiance des Syriens qui fuient la répression de leur gouvernement. Ils préfèrent s'en remettre à l'accueil informel des villageois, aux liens familiaux et à la solidarité confessionnelle, les sunnites majoritaires au nord du Liban soutenant généralement les révoltés syriens.
Plusieurs centaines de familles syriennes ont trouvé refuge dans la vallée de Wadi Khaled, située juste de l'autre côté de la frontière. Aaïdmoun, grosse bourgade de 5000 habitants aux maisons disséminées dans les collines, au pied du massif enneigé du Djebel Akroum, accueille 42 familles syriennes, soit environ 160 personnes. «Certains sont venus dès le début des événements, d'autres plus récemment, parfois par des voies clandestines», explique Nabi Yussef el-Hadj, le maire du village.

Champs de mines

Nouha Hammoudi, Libanaise mariée à un Syrien de Homs, a fui la Syrie il y a sept mois, avec ses sept enfants. «Nous sommes partis dès les premiers bombardements. Mais nous avons encore de la famille à Bab Amro. Il n'y a plus de téléphone et nous n'avons aucune nouvelle d'eux. On regarde les bombardements à la télévision et on pleure tout le temps», dit-elle.
La frontière entre les deux pays n'a jamais été très bien délimitée, ni très étroitement surveillée, en partie parce que la Syrie n'a jamais vraiment accepté son éviction du Liban en 2005, ni reconnu un découpage que Damas a longtemps considéré comme une amputation coloniale de la Grande Syrie. Ironiquement, c'est maintenant la Syrie qui demande aux autorités libanaises de renforcer leur contrôle. Damas, qui faisait depuis des années la sourde oreille aux demandes de Beyrouth de délimiter précisément cette frontière et de lutter contre l'intense contrebande d'armes du Hezbollah, ainsi que le passage de djihadistes en tous genres, veut à présent empêcher les insurgés syriens d'utiliser le Liban comme base arrière.
En même temps qu'elle prenait position autour de Homs, entourant la ville de tranchées et de postes de snipers, l'armée syrienne a repris par la force Tal Qalah, ville frontalière syrienne passée pendant quelque temps au soulèvement. Elle a posé des mines le long de la frontière et contrôle de plus en plus étroitement les passages vers le Liban. «Depuis le début de l'offensive sur Bab Amro, presque plus personne ne passe», dit le maire d'Aaïdmoun. Les champs de mines font régulièrement des victimes.

«La peur vous fait marcher»

«L'armée syrienne boucle la ville et empêche les gens de fuir. Parfois, ils laissent passer une femme avec ses enfants, mais c'est tout. La plupart des habitants sont bloqués», raconte un monsieur à la moustache grise, ébéniste à Homs. Parvenu voici deux jours à s'échapper de la ville par des voies détournées, il refuse de donner jusqu'à son prénom, par peur d'éventuelles représailles syriennes. «J'avais envoyé ma famille en sûreté il y a plusieurs mois, mais j'étais resté pour m'occuper de mon magasin, dit-il. Quand ma maison a été bombardée il y a trois jours, et totalement détruite, j'ai décidé de partir. J'ai réussi à sortir de Homs mais j'ai été arrêté à un poste de contrôle de l'armée syrienne. Après avoir vérifié que je n'étais pas sur les listes des personnes recherchées, les soldats m'ont laissé partir. J'ai dû marcher dix kilomètres dans le froid jusqu'à la frontière. La peur vous fait marcher.»
Dans les villages du Akkar, chrétiens comme musulmans sunnites accueillent les réfugiés syriens. Mais on craint beaucoup au Liban que le soulèvement syrien, qui ressemble de plus en plus à une guerre civile entre un régime alaouite généralement soutenu par les chrétiens et les Druzes et des insurgés en majorité sunnites, ne ravive les rivalités confessionnelles libanaises.

Source : http://www.lefigaro.fr
 

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