Tuesday, January 10, 2012

Un juge suisse critique la prison de Guantanamo, née il y a dix ans

La prison de Guantanamo, ouverte il y a 10 ans, est un scandale pour le Bernois Stefan Trechsel, juge au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Le centre de détention de Guantanamo est depuis dix ans le symbole du non-respect des droits de l'homme dans le monde, estime le Bernois Stefan Trechsel, juge au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY). Il attribue toutefois de bonnes notes à la Suisse pour son action.
Ouvert le 11 janvier 2002, le camp de Guantanamo constitue «un revers cinglant pour la culture des droits de l'homme», analyse Stefan Trechsel. Le respect de la liberté individuelle et de la dignité humaine y sont gravement menacés, déclare-t-il.
Dans leur «guerre contre le terrorisme», les Etats-Unis enterrent les efforts visant à juger les auteurs d'attentats dans le cadre de l'Etat de droit. Pourtant, «seul le respect des droits fondamentaux permet aux hommes de vivre ensemble pacifiquement à long terme», souligne le juriste suisse.
«Etat voyou»
Les Américains, eux, «se comportent comme un Etat voyou». Le pays se délégitime avec des prisons secrètes, les tortures et des arrestations illégales, explique le Bernois qui siège depuis 2006 parmi les 25 juges permanents du tribunal créé par l'ONU et basé à La Haye.
Stefan Trechsel qualifie la décision du président américain Barack Obama de ne pas poursuivre en justice les responsables de tortures commises à Guantanamo de «très mauvaise et contraire à la Convention des Nations unies contre la torture».
Pour le juge, la mort d'Oussama ben Laden «était un meurtre». De telles actions ont beaucoup nuit à la crédibilité des Etats-Unis durant la dernière décennie. Avec le principe «la fin justifie les moyens», les Etats-Unis ont poussé maints jeunes sans emploi ou des laissés-pour-compte dans les bras d'organisations fondamentalistes.
Bonnes notes pour l'Europe
Stefan Trechsel attribue en revanche de bonnes notes à l'Europe et en particulier à la Suisse. L'Europe n'a certes pas pu se soustraire à la «guerre contre le terrorisme» menée par l'ex-président américain George W. Bush. Les violations des droits de l'homme se situaient toutefois «plus ou moins dans les limites».
Le risque de dérapage est toujours aussi élevé en Europe, estime Stefan Trechsel. Mais jusqu'à présent, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a à plusieurs reprises corrigé les abus. Les juges de Strasbourg ont décrété que des droits fondamentaux tels que celui à être informé des accusations et celui à être entendu doivent être préservés.
Suisse raisonnable
Son bilan concernant la Suisse semble meilleur encore. «Je ne connais aucune décision de la CEDH condamnant la Suisse en raison de violation des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme», observe Stefan Trechsel.
La Suisse est aussi restée raisonnable. Elle a évité des modifications de lois qui au nom de la lutte contre le terrorisme auraient violé les droits fondamentaux des citoyens.
L'Europe a notamment été critiquée pour avoir accueilli des prisons secrètes de la CIA ou pour avoir toléré, voire participé à des transferts illégaux de prisonniers. Plusieurs de ces vols secrets sont passés par le ciel helvétique, selon le rapporteur du Conseil de l'Europe, Dick Marty.
Perspectives sombres
Pour l'avenir, les perspectives sont encore assez sombres pour les droits de l'homme. A la mi-décembre, les Etats-Unis ont adopté une loi permettant que des suspects de terrorisme soient maintenus sans procès en détention de manière illimitée. Pour Stefan Trechsel, il s'agit d'un «nouvel exemple de la manière dont les Etats-Unis se jouent du droit international et des droits de l'homme».
Le juge bernois doute par ailleurs que le camp de Guantanamo ferme avant l'élection présidentielle américaine de novembre, comme l'a promis Barack Obama car les résistances sont trop grandes à l'intérieur des Etats-Unis. «Je crois à la bonne volonté d'Obama, mais je doute qu'il y parvienne», affirme-t-il. Selon Amnesty International, 171 personnes sont encore détenues à Guantanamo.

Source : http://www.24heures.ch

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